Par Devin Hanes, patrouilleur dans la zone Central (devin.somers@gmail.com)
Dans notre rôle de membres de la Patrouille canadienne de ski, nous devrons peut-être traiter un patient malentendant. Dans mon travail quotidien, je suis enseignant (sourd – malentendant), au sein de la communauté des sourds. J’entends. Je porte des appareils auditifs, ma principale langue de communication est l’anglais et je m’identifie comme entendant. En tant que tel, je ne parle pas au nom de la communauté sourde, j’essaie d’aider mes collègues patrouilleurs à traiter avec respect et efficacité les skieurs/planchistes qui sont malentendants, sur la base de mon expérience en tant que personne entendante qui travaille au sein de la communauté malentendante.
Clarification sur les termes
Une personne sourde communique très probablement en ASL (American Sign Language)** et est très probablement profondément sourde, ce qui signifie qu’elle est incapable d’entendre clairement la langue parlée. Les personnes malentendantes peuvent ou non porter des appareils auditifs fonctionnels, tels que des implants cochléaires ou des appareils auditifs. S’ils portent un appareil auditif et selon le moment où ils sont devenus sourds (naissance, enfance, adulte), ils pourront peut-être comprendre certaines langues parlées, mais très probablement dans un environnement calme et isolé (pas sur les pistes ou dans les chalets de ski). ; et ce n’est pas la norme.
Parmi la communauté malentendante se trouvent également des personnes porteuses d’implants cochléaires ou d’appareils auditifs. Les personnes portant des implants cochléaires ne peuvent entendre que si la partie extérieure de l’implant est fixée – si elle se déloge ou tombe lors d’un accident – elles ne pourront pas entendre. Habituellement, leur langue de communication est une langue parlée et non la langue des signes.
Les personnes portant des appareils auditifs peuvent présenter une perte auditive allant de modérée à sévère. Leur langue de communication est très probablement une langue parlée et non la langue des signes. Encore une fois, si l’aide auditive est délogée, endommagée, etc., lors d’un incident, leur capacité à entendre et à comprendre le langage parlé sera réduite.
Toutes les personnes malentendantes qui communiquent via la langue des signes ne lisent pas et n’écrivent pas nécessairement le français tel que nous le connaissons. La plupart le font, mais la langue des signes est une langue en soi qui suit ses propres règles linguistiques. Selon l’endroit où la personne a appris la langue des signes, il se peut qu’elle n’ait pas appris le français ni l’anglais. Même si la plupart des personnes malentendantes lisent et écrivent le français ou l’anglais, essayer de communiquer par l’écrit n’est souvent pas un moyen rapide ou efficace de communiquer dans ce genre de situation.
À garder à l’esprit
- L’approche de face et le face-à-face est d’autant plus important avec les patients malentendants. Les personnes malentendantes s’appuient fortement sur les expressions faciales et le langage corporel pour communiquer.
- Dans les langues des signes, les expressions faciales et la position du corps font partie de la structure grammaticale de la langue, comme la ponctuation, la possession et le temps. Un sourire communique une attention, un sourcil levé communique une question (comme un point d’interrogation).
- Comme nous le savons déjà, lorsque nous effectuons l’évaluation de nos patients, nous recherchons les réponses faciales lorsque nous les touchons en plus de leur demander s’ils ressentent de la douleur. Chez les patients malentendants, ils ne vous entendront peut-être pas leur demander s’ils ressentent de la douleur lorsque vous examinez leur clavicule, par exemple, mais vous verrez l’inconfort sur leur visage.
- Un pouce vers le haut ou vers le bas sont des signes universels. Vous pourriez désigner une partie du corps, son genou par exemple, d’une main, tout en alternant un pouce levé et un pouce baissé avec l’autre main et en haussant les sourcils (le point d’interrogation en ponctuation de la langue des signes).
- Il est beaucoup plus difficile pour une personne portant des implants cochléaires ou des appareils auditifs de vous entendre, de vous comprendre, lorsqu’il y a des bruits concurrents (un télésiège, d’autres voies, la radio de patrouille, le vent, etc.).
- Si vous êtes dans le chalet de la station, essayez dans la mesure du possible d’emmener le patient dans une pièce ou un espace séparé, car une pièce pleine de voix a tendance à produire beaucoup d’écho pour une personne portant un appareil auditif et il est très difficile pour elle de différencier les voix.
- Si vous êtes à l’extérieur, mettez-vous à l’abri du vent, ou à l’intérieur, à l’abri du vent, le plus tôt possible. Le microphone d’une aide auditive ou d’un implant cochléaire amplifie le bruit du vent, le rendant souvent plus fort que les voix.
- Continuez à maintenir un contact visuel avec le patient lorsqu’il est nécessaire de limiter les mouvements spinaux. Si vous utilisez vos mains ou tout appareil tel qu’un rouleau de couverture, des oreillettes Ferno, un matelas stabilisateur, etc., pour couvrir les oreilles ou les implants ; le patient ne pourra rien entendre. Un patrouilleur qui maintient un contact visuel et communique avec le patient contribuera à réduire son niveau de stress.
- Continuez de parler au patient. Ce n’est pas parce qu’ils sont malentendants qu’ils ne peuvent pas communiquer. Parlez calmement et clairement, mais ne criez pas. Même si Hollywood a grandement exagéré la capacité supposée de lire sur les lèvres, nous pouvons beaucoup communiquer à travers nos expressions faciales. Le patient n’est peut-être pas capable de vous entendre, mais il est un patient, une personne et a besoin d’être respecté, inclus et rassuré.
- Si le patient est accompagné par une personne entendante qui peut interpréter pour vous – parfait. Continuez de parler directement au patient, pas à son accompagnateur auditif. Le compagnon auditif interprétera votre message. Le patient peut signer pour communiquer avec son compagnon et regarder son compagnon tout en le faisant. Continuez à regarder le patient, et non son compagnon, lorsque celui-ci vous parle.
- Les langues des signes s’expriment avec les deux mains, ainsi qu’avec des expressions faciales et le positionnement des mains et du corps (se déplacer vers l’intérieur, vers l’extérieur, sur le côté, etc.). La blessure du patient peut être suffisamment grave pour qu’il soit incapable de communiquer efficacement (poignet cassé, épaule luxée, etc.). Cela peut signifier qu’il faut un peu plus de temps pour identifier la blessure; mais surveiller la limitation des mouvements, ainsi que l’expression du visage pendant que le patient signe, peut fournir des informations précieuses sur la nature et la gravité de toute blessure.
Ressources pratiques
Certains services ou applications d’interprétation vidéo existent en direct et 24 heures sur 24. De nombreuses personnes malentendantes en ont un installé sur leur téléphone. Le SRV Canada VRS est le plus populaire****.
Plusieurs organisations offrent des services d’interprétation LSQ d’urgence. Faites une recherche en ligne pour retrouver le plus près de chez vous. Voici celui de la Canadian Hearing Society : https://www.chs.ca/page/emergency-sign-language-interpreting-services
Il y a d’incroyables skieurs et planchistes malentends sur nos pistes. Il suffit de jeter un œil aux Jeux olympiques d’hiver des Sourds pour voir des athlètes incroyables.
* NdT1 : La façon de désigner les gens dits malentendants en français est substantiellement différente de la façon anglaise. Le traducteur a dû user de tact et de certaines libertés lors de la rédaction du texte en français.
** NdT2 : La langue des signes québécoise est la langue principalement utilisée dans les communautés sourdes du Québec. Malgré son nom, la LSQ se retrouve hors du Québec. Étant membre de la famille francosigne, elle est surtout apparentée à la langue des signes française.
*** NdT3 : Traduction de Deaflympics retrouvé sur le site de l’Association des sports des sourds du Canada
**** NdT 4 : Disponible en LSQ
Cet article est aussi accessible en: Anglais